Du bio sans labour grâce aux prairies
Victor Fouchault et Nicolas Patissier conjuguent agriculture bio et non labour grâce à l’implantation de prairies. Ils ont introduit un troupeau ovin pour en tirer parti.
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Comment allier agriculture biologique et sans-labour ? Pour Victor Fouchault, la réponse semble simple : « La clé du système, ce sont les prairies », lançait-il lors d’un colloque sur le changement climatique, organisé par Bio Centre. Dans les terres argileuses et hydromorphes de l’ouest de Blois (Loir-et-Cher), à Seillac, les prairies jouent le rôle de désherbant, car il y a très peu de possibilités d’intervention en désherbage mécanique. Elles sont également utilisées pour la fertilisation, et, depuis peu, pour la pâture.
Si Victor Fouchault et Nicolas Patissier se sont installés il y a seulement deux ans, le système sans labour a été mis en place en 2015, par Bernard, le père de Victor, alors salarié sur l’exploitation familiale.
Sur 130 ha, 80 ha sont dédiés à des cultures et 50 ha pour les prairies. Celles-ci restent en place deux ans et reviennent après trois cultures, deux d’automne et une de printemps (voir l’infographie). « Les deux ans de rupture fonctionnent bien, en particulier sur les graminées annuelles et les chardons. Il reste quelques rumex, mais on les tolère. Au bout de 7 ans sans labour, on commence à voir apparaître un peu de ray-grass dans certaines parcelles, on ne s’interdit pas de reprendre la charrue si besoin », détaille Victor.
On perd moins d’azote en positionnant une culture de printemps après une prairie
Si l’alternance de cultures d’automne et de printemps casse le cycle des adventices, leur choix est aussi guidé par la fertilisation. « Je suis convaincu que l’on perd moins d’azote par lessivage, en positionnant une culture de printemps gourmande, comme le quinoa, juste derrière une prairie, et il reste suffisamment de reliquats pour faire un blé tout à fait correct après. Nous avons positionné les blés anciens, qui demandent moins d’azote, en fin de rotation », ajoute le céréalier. Ni fumier, ni compost ne sont apportés, sauf pour les couverts qui ne contiennent pas de légumineuses. 30 unités d’azote, sous forme de fumier de volaille, sont épandues. Mais cela oblige à enfouir cet apport. « En positionnant le couvert derrière un blé de prairie, la fertilisation peut être assurée uniquement par les reliquats. Quand l’opportunité se présente, on peut semer le couvert en direct », indique Victor.
Un pâturage à l’année
Si les prairies jouent un rôle indéniable en agronomie, elles sont difficiles à valoriser économiquement. Après un essai de pâturage avec les moutons d’un voisin, les céréaliers souhaitent créer un autre revenu sur la ferme. Ils intègrent un troupeau de 110 mères, 180 à terme, commercialisées en vente directe. Le parcellaire est découpé afin d’obtenir des blocs de 25 ha pour le pâturage. Le troupeau est conduit en pâturage tournant, tous les deux à trois jours, sans bâtiment. Donc pas de foin en stock. Cette pratique oblige à avoir toujours assez de surfaces fourragères pour les moutons, même en hiver. Pour répondre à toutes ces attentes, le mélange prairial est stratégique. Il est constitué de trèfle blanc intermédiaire, trèfle blanc géant, sainfoin, plantain, ray-grass et fétuque (120 €/ha). « Nous avions testé la chicorée, les moutons en sont très friands, mais, sans labour, les pivots restent sur la culture suivante. La luzerne nécessite trop de passages pour la détruire et n’a pas de feuilles en hiver pour les brebis, contrairement au trèfle. Nous allons sûrement ajouter du trèfle incarnat, qui apporte de l’azote plus rapidement que le trèfle blanc. Il faut faire attention à la météorisation (le gonflement de l’abdomen) pour les moutons. C’est pour cela que nous avons introduit le sainfoin, qui est riche en tanin condensé et le plantain, qui s’enracine bien et prend le relais à l’automne. Lors de la gestation, les brebis passent sur des couverts sans légumineuse… les fameuses parcelles où nous apportons un amendement exogène », précise Nicolas.
Les deux céréaliers déchaument régulièrement avec un outil à disque (5 – 6 cm), puis avec un autre à pattes d’oie, et ils utilisent une fraise rotative. À la place d’enfouir les végétaux, ils les font sécher au soleil. Une bineuse est utilisée seulement dans le quinoa et les pois chiches. Les semis s’échelonnent du 15 octobre au 15 novembre. Pour ces opérations, les créneaux d’intervention sont plus serrés qu’avec le labour. Les céréaliers s’habituent peu à peu aux pics de travail.
Une rotation complexe
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